La protection de l’e-réputation des entreprises : quelles sont les armes face au bad buzz ?

Le risque réputationnel sur internet, longtemps déconsidéré, est désormais regardé avec attention par les entreprises. Conscients de cet enjeu relativement nouveau, les assureurs ont développé des produits adaptés.

 

Le Web 2.0 est en effet parvenu à une certaine maturité. Avec lui ce sont répandus commentaires, avis, publications en ligne issus d’une communication verticale. L’entreprise est ainsi désormais à portée de tweets, d’étoiles, d’avis négatifs de n’importe quel client / critique / internaute acerbe.

 

Un concurrent pourrait ainsi profiter d’une mauvaise notation, justifiée ou non, pour tenter de capter un prospect déçu.

 

La réputation, et son corollaire l’e-réputation, sont dès lors vus comme des actifs inestimables de l’entreprise. En tant que tels, ils sont exposés, fragiles.

 

Le développement des cyber-attaques soulève encore un risque supplémentaire, l’entreprise victime étant dans la majorité des cas légalement tenue de communiquer elle-même lorsque ce n’est pas le hacker qui s’en charge via des sites de name and shame.

 

Face à ce risque renouvelé, les entreprises ne sont pas désarmées. Le droit tout comme le marché assurantiel offrent en effet les moyens de se prémunir, se protéger, ou réagir.

 

 

1. La protection offerte par le droit

 

Le système juridique français offre plusieurs mécanismes de protection de la réputation des entreprises. Il s’agit souvent de concepts subtils, devant garantir l’équilibre entre protection des intérêts de l’entreprise d’une part et de la liberté d’expression ou du droit à l’information d’autre part.

 

L’exemple emblématique d’une telle dichotomie est la loi de 1881 sur la liberté de la presse définissant et réprimant les actes de diffamation (imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur et à la réputation) ou d’injure (expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait).

 

Sur ce fondement, une action civile ou pénale peut être mise en œuvre afin de faire cesser une atteinte réputationnelle, et obtenir réparation du préjudice subi. Rappelons que la jurisprudence reconnait depuis longtemps le préjudice moral de la personne morale. Les sanctions encourues sont ainsi de nature tant pécuniaire que pénale.

 

Cependant, les actions intentées sur le fondement de la loi de 1881 sont soumises à des conditions extrêmement strictes (prescription courte de trois mois par exemple) censées assurer un juste équilibre entre répression des abus et préservation nécessaire de la liberté d’expression.

 

Pour éviter ces écueils techniques et procéduraux, peuvent être envisagées des actions civiles pour dénigrement, parasitisme, concurrence déloyale, fondées sur les règles plus souples de la responsabilité civile classique.

 

L’action en dénigrement ne saurait cependant constituer un succédané de l’action en diffamation. Elle ne peut ainsi être mise en œuvre que lorsque la critique illicite s’exerce sur les produits et services commercialisés par l’entreprise.

 

L’imputation d’un fait portant atteinte à l’honneur ou à la réputation de la personne morale elle-même ne saurait ainsi être poursuivie sous un autre fondement que celui de la loi de 1881.

 

Un autre obstacle auquel les entreprises sont souvent confrontées est la relative difficulté à identifier l’individu ou l’entité auteur de l’atteinte, souvent réfugié derrière un pseudonyme censé lui conférer l’anonymat.

 

Sur ce point, ce prétendu anonymat n’est que relatif. Il existe en effet différents moyens permettant de le contourner, notamment en enjoignant, y compris par voie judiciaire, les hébergeurs ou éditeurs à transmettre les données d’identification de leurs utilisateurs qu’ils sont tenus de conserver.

 

Les hébergeurs sont encore tenus de retirer promptement tout contenu illicite sur le fondement de la Loi pour la Confiance dans l’Economie Numérique (LCEN) de 2004.

 

Une action entreprise auprès des moteurs de recherche peut également permettre d’obtenir le déréférencement d’une publication.

 

Ainsi, outre les actions pouvant viser les auteurs de l’atteinte directement, il existe nombre de moyens, amiables ou judiciaires, permettant d’agir auprès des hébergeurs de contenus et des intermédiaires techniques aux fins de retrait de la publication litigieuse et/ou d’identification de son auteur.

 

Outre ces garanties légales, la solution assurantielle peut être envisagée comme constituant une protection alternative et innovante.

 

 

2. L’offre assurantielle

 

Les produits assurantiels disponibles sur le marché offrent en général une prise en charge multiple reposant essentiellement sur 4 piliers :
– la surveillance : prise en charge des frais d’analyse du tissu médiatique (surveillance web et dark web) ;
– La réponse à incident : mise en œuvre d’une communication de crise en cas de réalisation du risque incluant la couverture des frais de relations publiques et les frais légaux nécessaires pour mettre un terme à l’atteinte ;
– La réparation du préjudice subi : couverture des pertes d’exploitation subies par l’entreprise du fait d’une atteinte réputationnelle ;
– La reconstitution de l’image de marque : couverture des frais communicationnels pour reconstruire la réputation altérée.

 

La police d’assurance constitue ainsi un réel levier de protection de la réputation de l’entreprise, révélant premièrement une prise de conscience nécessaire du risque encouru de la part de l’entreprise, et assurant deuxièmement une couverture appropriée en cas de réalisation du risque.

 

Les assureurs proposent ainsi et notamment une mise en relation rapide de l’entreprise avec des prestataires spécialisés, rompus à l’exercice de la gestion de crise et de la réponse à incident (consultants en relations publiques, cabinets d’avocats, etc.) assurant une réaction expresse et appropriée.

 

Il convient en effet d’être particulièrement réactif face à une publication litigieuse, celle-ci pouvant être rapidement et largement diffusée et devenir virale avec des effets destructeurs.

 

Ainsi, face à un risque que l’on pourrait qualifier de systémique, évolutif, potentiellement dévastateur, la solution assurantielle constitue une protection innovante mais encore peu développée.

 

Ajoutons que la couverture du risque réputationnel peut faire l’objet d’une police d’assurance spécifique ou être inclue dans une police non spécifique de type responsabilité civile professionnelle ou cyber.

 

Les polices couvrant le cyber risques contiennent en effet très majoritairement un volet relations publiques couvrant toutes les conséquences d’une cyber-attaque sur l’image de l’entreprise victime.

 

 

 

Le cabinet HMN & PARTNERS intervient aux côtés des entreprises dans le cadre de la gestion de crise, mettant en œuvre les voies procédurales appropriées pour garantir une réponse rapide et efficace à l’atteinte subie. Intervenant également en droit des assurances, le cabinet accompagne les assureurs dans la gestion des sinistres mobilisant leurs polices d’assurance spécifiques, ainsi que dans leur rédaction et analyse.

Eleonora SORRIBES / Maxime RAMOS-GUERRERO